Island Biology
Island BiologyRetour sur l’événement scientifique de l’année
L’Université de la Réunion a accueilli du 8 au 13 juillet la plus grande manifestation scientifique jamais organisée sur l’île : la troisième conférence d’Island Biology, qui a attiré près de 400 spécialistes de la biologie insulaire, venus de 48 pays. L’organisation de cet événement a permis de placer La Réunion sur la carte de la recherche internationale dans les domaines de l’écologie, l’évolution et la conservation des systèmes terrestres et marins insulaires.
La Society of Island Biology, jeune société savante regroupant les spécialistes de la biologie insulaire, avait déjà tenu deux conférences internationales, à Hawaii en 2014 et aux Açores en 2016, où La Réunion avait été désignée pour accueillir la troisième édition. L’Unité Mixte de Recherche Peuplements végétaux et bioagresseurs en milieu tropical (PVBMT) s’est particulièrement investie pour faire de cet événement une réussite, sur le campus du Moufia, du 8 au 13 juillet 2019. « Après le Pacifique et l’Atlantique, nous avons décidé que le tour de l’océan Indien était venu », a indiqué José Maria Fernandez-Palacios, président de la SIB lors de la séance d’ouverture.
« Jamais La Réunion n’avait accueilli une manifestation scientifique de cette ampleur, souligne Dominique Strasberg, responsable de l’UMR et coordinateur scientifique de la conférence avec sa collègue Claudine Ah-Peng. 385 participants ont été comptabilisés, en provenance de 47 pays ».
Quatre journées entières ont été consacrées à des conférences plénières, des symposiums scientifiques et des communications orales permettant de faire le point sur l’avancée des programmes de recherches à travers le monde. 128 posters ont également été présentés à cette occasion. De même, la présence de nombreux spécialistes de haut niveau a permis de mettre en place diverses sessions de formation à destination des étudiants et des doctorants. Une conférence sur les enjeux sociaux de la transition écologique était également ouverte au grand public.
Le mercredi 10 juillet, les participants ont été conviés à des visites de terrain sur quelques sites naturels emblématiques de l’île : le récif corallien, le piton de la Fournaise, la réserve de l’Etang-Saint-Paul, le Maïdo, les forêts de Bébour et Bélouve…
Cette conférence a attiré les plus grands spécialistes mondiaux dans un grand nombre de disciplines. Nous nous connaissons tous mais nous ne nous voyons pas souvent. Il est très intéressant de se retrouver tous ensemble pendant quelques jours, c’est tellement mieux que les échanges à distance !
Records d’endémisme, recul de la biodiversité
La communauté scientifique internationale accorde un intérêt grandissant aux évolutions du vivant dans les milieux insulaires, dans le contexte global des changements climatiques. Les îles sont des concentrés d’endémisme. Elles ne couvrent que 5% de la surface terrestre, mais abritent 20% des plantes vasculaires, 15% des espèces de mammifères, oiseaux et amphibiens de la Planète. Ce sont pourtant sur ces territoires que la perte de biodiversité et la disparition des espèces sont les plus rapides. L’étude de ces évolutions met notamment en lumière les interactions entre les espèces, et la perte de ces interactions à mesure que des espèces disparaissent : la biodiversité n’est pas seulement une liste d’espèces, elle est aussi composée des milliers de liens entre ces dernières. Ce sujet fut d’ailleurs abordé par plusieurs ateliers, tout comme les invasions biologiques, les actions de restauration écologique, ou l’apport des sciences sociales à la transition écologique.
« Cette troisième conférence d’Island Biology comportait davantage d’ouvertures thématiques que les précédentes, souligne Dominique Strasberg. Une place plus importante a été accordée à l’endémisme marin, une session entière a été consacrée aux zones arctiques et antarctiques... »
La manifestation d’autre part permis de faire connaître à un public éminent La Réunion comme terre de science et plate-forme de recherche de haut niveau sur certains sujets touchant à l’écologie des milieux micro-insulaires et à la quête de solutions pour préserver la biodiversité.
A la fin de la séance de clôture, Majorque (Baléares, Espagne) et Wellington (Nouvelle-Zélande) ont défendu leur candidature pour l’organisation de la quatrième conférence internationale de la Society of Island Biology. Le vote électronique a rendu son verdict en août : rendez vous en Nouvelle-Zélande en 2022 !
Les partenaires
Pour organiser la conférence Island Biology 2019, l’Université de La Réunion s’est appuyée sur de nombreux partenaires : le Cirad, le CNRS, la DEAL et la DRRT La Réunion-Mayotte, l’IRD, Météo France, Nexa, le Parc national de La Réunion, la Région et l’administration des TAAF.
Conférence en live streaming
Tous les événements de la conférence d’Island Biology organisés dans l’amphithéâtre bioclimatique du campus du Moufia, dans les séances d’ouverture et de clôture, ont été filmés et retransmis en direct par la Direction des usages numériques de l’Université de La Réunion. Les personnes non présentes ont ainsi pu suivre en live ces échanges ! Les enregistrements sont aujourd’hui accessibles sur la chaîne YouTube de l’université.
Compensation carbone
La venue à La Réunion de 450 conférenciers du monde entier a nécessité l’utilisation de moyens peu écologiques, à commencer par les transports aériens. Les émissions de CO2liées ont été estimées à 351 tonnes. Pour la première fois dans une conférence internationale, elles ont pu être compensées par deux projets de restauration des habitats, sur la commune réunionnaise du Tampon (projet Endemiel) et sur l’île d’Amsterdam (Terres australes et antarctiques françaises). 23 hectares seront replantés en espèces indigènes et endémiques, dans le cadre de ces deux projets, au cours des trois prochaines années.
La « forêt des nuages » réunionnaise, sentinelle du changement climatique
Spécialiste des bryophytes à l’Université de La Réunion, Claudine Ah-Peng a présenté à la conférence Island Biology les travaux auxquels elle participe sur la « forêt des nuages » d’altitude, où s’accumule l’eau de l’atmosphère. Ces écosystèmes ont été étudiés dans 5 îles océaniques, dont La Réunion, dans le cadre du projet MOVECLIM. Les bryophytes qu’ils abritent sont désormais sous surveillance dans notre île : ces plantes seront les premières à migrer quand les changements climatiques annoncés commenceront à faire sentir leurs effets.
Laboratoires à ciel ouvert de l’évolution de la vie, les îles sont également étudiées en raison de la destruction rapide de leur biodiversité. Une tendance qui pourrait s’accélérer avec les changements climatiques annoncés. Mais à quel rythme, avec quelles conséquences ? Des plantes un peu particulières pourraient apporter des éléments de réponses : les bryophytes. Ces mousses, hépatiques (à feuilles) et autres anthocérotes ne possèdent pas de racines, elles puisent directement leur eau et leur nourriture dans l’atmosphère. Elles se dispersent par des spores légères et devraient donc être les premières à migrer si les conditions deviennent défavorables.
Les bryophytes tropicales sont également la spécialité de Claudine Ah-Peng, ingénieure à l’Université de La Réunion, qui a commencé à les étudier dans son île il y a une dizaine d’années, alors que le sujet était quasiment vierge. « Les bryophytes sont très présentes en altitude, dans la « forêt des nuages » noyée d’humidité, dit-elle. Ces plantes absorbent énormément d’eau et font de leur riche écosystème un véritable château d’eau naturel. Or, ces forêts pourraient être affectées par le réchauffement climatique. La hausse annoncée des températures provoquera en effet une élévation du niveau de la « mer de nuages » qui apporte toute cette humidité ».
L’atmosphère deviendra plus sèche là où abondent les bryophytes, qui devraient donc être tentées de monter pour trouver des conditions favorables, tout comme les autres espèces en état de migrer. De 2012 à 2015, le projet MOVECLIM (MOntane VEgétation as listening posts for CLIMate change in small islands) a permis de mieux connaître la répartition des bryophytes et des fougères le long d’un gradient altitudinal dans cinq îles hautes, à La Réunion mais aussi à Pico (Açores), à La Palma (Canaries), en Guadeloupe et à Tahiti.
Sur la base de ce « point zéro », les mesures de température et d’humidité continuent à La Réunion, tous les 200 mètres, de 750 m jusqu’au Petit Bénare (2 600 m) dans l’Ouest, de 350 m jusqu’au piton des Neiges (3 070 m) dans l’Est. « Nous menons en parallèle des recherches en laboratoire sur certaines espèces, poursuit Claudine Ah-Peng. Alors que des sécheresses plus longues sont annoncées et que les températures pourraient s’élever de 1,5° à 1,7° d’ici la fin du siècle sur les Mascareignes, nous saurons si la forêt des nuages réunionnaises est résiliente et nous pourrons lancer des alertes si ce n’est pas le cas. »
Le village des initiatives régionales
Pendant deux journées, les 8 et 9 juillet, un « village conférence » ouvert au public a été mis en place à l’occasion d’Island Biology 2019 pour mettre en avant et faire se rencontrer les acteurs de la préservation de la biodiversité dans la zone océan Indien. L’opération entrait dans le cadre du projet MIMUSOPS (MIse en valeur et MUtualisation des connaissances de la biodiversité marine et terrestre indianOcéanique, Patrimoine à Sauvegarder) porté par l’Université de La Réunion et soutenu financièrement par le programme Interreg V Océan Indien et la Région Réunion. Nous avons fait le tour des stands.
Sur les traces des baleines à bosse
Globice, Groupe local d’observation et d’identification des cétacés, est venu présenter ses derniers projets, notamment la collecte en mer de données visuelles et acoustiques sur les cétacés (baleines à bosse, dauphins…) fréquentant l’océan Indien, en partenariat avec les associations malgaches CétaMada et Mada Megafauna et la Mauritius Marine Conservation Society. A la fin de l’hiver austral, des balises émettrices ont d’autre part été posées sur des baleines afin d’étudier leurs itinéraires de retour vers les eaux australes.
Sauver les pétrels
Depuis 2015, le projet LIFE+ Pétrels est déployé à La Réunion avec un objectif : éviter l’extinction du pétrel de Barau et du pétrel noir, deux espèces d’oiseaux marins très rares nichant dans les montagnes de l’île. Le projet avait son stand sur le village, ses animateurs ont également coorganisé un symposium avec l’équipe hawaienne du projet « Kaua’i seabird endangered project » sur les similarités entre les deux territoires.
Chiroptères à la loupe
L’association Groupe Chiroptères Océan Indien s’est donnée pour mission l’étude et la protection des chauve-souris dans l’océan Indien, ainsi que la diffusion de la connaissance sur ces espèces (à La Réunion : le petit molosse, endémique, et le taphien de Maurice). Le Groupe a mis à profit sa présence sur le village pour faire connaître le réseau qu’il anime : Sauv’Souris. Souvent mal aimés, ces petits mammifères volants peuvent rendre de grands services aux hommes, puisqu’ils consomment d’énormes quantités de moustiques !
Geckos : invasifs contre endémiques
Le gecko vert de Manapany et le gecko vert de Bourbon, tous deux endémiques, ont de la concurrence : deux cousins introduits, en provenance de Madagascar, deviennent envahissants et même prédateurs des deux premiers. L’association Nature Océan Indien s’emploie à le faire savoir et porte un programme de restauration de l’habitat du gecko vert de Manapany, dans le sud de l’île.
Les TAAF au Patrimoine mondial
Quelques jours avant la conférence Island Biology, le 5 juillet 2019, les Terres Australes et Antarctiques Françaises étaient inscrites au Patrimoine mondial ! L’Unesco reconnaissait ainsi leur valeur exceptionnelle, liée à leur biodiversité, leurs paysages et leur intégrité. La nouvelle a été saluée comme il se doit par les participants à la conférence et le stand des TAAF sur le village a permis de mieux faire connaître ces territoires éloignés.
La réserve de l’étang de Saint-Paul labélisée « Ramsar »
Le sourire était également de rigueur sur le stand de la réserve naturelle de l’étang de Saint-Paul, qui venait d’apprendre sa labélisation en tant que « zone humide d’importance internationale », dans le cadre de la convention Ramsar. Une reconnaissance qui va devenir un outil pour sensibiliser l’île, et ses décideurs, à la protection de cet écosystème exceptionnel.
Green islands, actions de conservation aux Seychelles
L’ONG seychelloise Green Islands Foundation avait fait le déplacement pour présenter ses actions de conservation dans l’archipel, notamment avec trois îles privées (Denis, North et Frégate) sensibilisées aux enjeux du développement durable. A Mahé, l’île principale, Green Island a d’autre part initié un projet de sensibilisation des pêcheurs à la protection des espèces de poissons les plus menacées.
Vahatra : pour diffuser la connaissance à Madagascar
Vahatra est une association malgache regroupant des scientifiques et des étudiants, qui apporte un appui à des projets de recherche et aux gestionnaires d’espaces naturels protégés. Elle est notamment venue présenter Malagasy Nature, le journal scientifique qu’elle édite, en même temps que des guides et diverses publications destinées à diffuser la connaissance dans la Grande Île.
La route du miel
La commune du Tampon était présente sur le village pour faire connaître son projet Endémiel : la plantation de 52 000 arbres et arbustes mellifères, indigènes et endémiques de La Réunion, afin de créer une « route du miel ». Ce corridor écologique de 36 km ira de 400 à 1600 m d’altitude. 4 jardins endémiques, représentant les 4 habitats naturels qui existaient auparavant le long de ce gradient altitudinal, seront également aménagés.
Des insectes qui inspirent
Le bureau d’études réunionnais Micropoda développe depuis plusieurs année une expertise entomologique et environnementale, à l'attention des gestionnaires des milieux naturels, des maîtres d'ouvrage, des entreprises et de leur assurance qualité, des organismes de santé publique… Il inspire également les créateurs, notamment le styliste Thomas Legros (Atelier TLJ) qui est venu sur le village pour présenter une collection de vêtements féminins aux motifs de papillons, coccinelles et autres punaises. Des motifs d’une grande fidélité à la réalité, puisque dessinés à partir de photos fournies par Micropoda !
Best Run : des étudiants engagés
Depuis deux ans, l’association Best Run mène des actions concrètes pour protéger la biodiversité : ramassage de déchets, sorties naturalistes ouvertes au grand public, participation à des chantiers de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, ateliers de plantation… Animée par des anciens du master BEST (Biodiversité des Ecosystèmes Tropicaux), elle cherche à se faire connaître et à trouver des moyens pour devenir un incubateur des projets portés par des étudiants issus de cette filière.
ePOP au top !
Le projet ePOP a été imaginé par RFI Planète radio et développé avec l’Institut de Recherche pour le Développement. Il mobilise des jeunes observateurs qui réalisent avec un smartphone des vidéos de 2 à 3 minutes pour capter le ressenti des populations locales face aux conséquences des changements climatiques et environnementaux. Un stand ePOP était présent sur le village et le 9 juillet en fin d’après-midi, une projection de vidéos tournées à La Réunion, au Togo et en Nouvelle-Calédonie a été proposée aux participants à la conférence Island Biology.
Mais aussi…
Le Parc national de La Réunion était également présent sur le Village, notamment pour sensibiliser le public à la lutte contre les espèces exotiques envahissantes. La Srépen présentait pour sa part ses actions de préservation de la biodiversité, l’Aplamédom son patient travail d’étude et de valorisation des plantes de la pharmacopée traditionnelle de La Réunion, la société Vitrorun sa production d’orchidées in vitro…