TASCMAR, des molécules dans l'océan
TASCMAR, des molécules dans l'océanL’université de La Réunion participe à un projet de recherche européen de grande envergure, visant à identifier des molécules « anti-âge » dans les organismes marins : TASCMAR *. L’objectif est de permettre une utilisation de ces biomolécules marines dans les industries pharmaceutiques et cosmétiques. L’équipe réunionnaise, animée par le Pr Anne Bialecki, se concentre sur l’étude des éponges, prélevées à Mayotte et à Rodrigues.
Les invertébrés marins (coraux mous, éponges, anémones de mer…) et leurs micro-organismes associés sont connus pour l’intérêt de leurs molécules, valorisables en pharmacie comme en cosmétique. Encore faut-il les identifier, et apprendre à les multiplier. Tels sont les objectifs du projet européen TASCMAR, lancé en 2015 et coordonné par l’Institut de Chimie des Substances Naturelles du CNRS. Il cible la Méditerranée, la mer Rouge, l’océan Indien mais aussi les eaux thaïlandaises.
« L’ICSN, avec lequel nous travaillons régulièrement, a souhaité nous intégrer au projet en raison de nos compétences en chimie marine et de notre localisation dans le sud-ouest de l’océan Indien, explique Anne Bialecki, directrice du Laboratoire de Chimie des Substances Naturelles et des Sciences des Aliments (LCSNSA), à la faculté des sciences et technologies de l’université de La Réunion. Nous avons proposé de concentrer nos recherches sur les éponges, qui abondent sur les récifs de Mayotte et de Rodrigues ». Accrochées à leur support, les éponges émettent des substances chimiques pour se défendre contre leurs prédateurs. Elles développent également des stratégies pour s’adapter à la pression, à l’ensoleillement, à la chaleur et servent d’abri à de nombreux micro-organismes : autant de caractéristiques propices à la découverte des principes actifs recherchés.
Mission sous-marine à Rodrigues
De plus, de nombreuses espèces sont présentes dans les eaux de l’océan Indien et « chacune conserve sa part d’inconnu », souligne Anne Bialecki. En 2013, son laboratoire avait mené une campagne de collecte dans le lagon de Mayotte. 47 éponges, appartenant à 45 espèces différentes, n’avaient pas encore été étudiées. Le projet TASCMAR a permis de les sortir de la congélation, mais aussi d’organiser une mission de collecte à l’île Rodrigues, où les éponges n’avaient jamais fait l’objet d’exploration. 67 échantillons ont été remontés à la surface, avec le concours de plongeurs professionnels et le renfort de Nicole De Voogd, spongiologue néerlandaise du muséum Naturalis de Leiden, partenaire historique du LCSNSA. Ramenées à la Réunion, les éponges rodriguaises ont été répertoriées et entrées dans une base de données accessible à tous les partenaires de projet, tout comme les éponges de Mayotte.
Une trentaine de molécules déjà identifiées
Un patient travail a été mené sur les deux collectes, en plusieurs étapes : extraction de molécules, puis fractionnement des extraits jusqu’à l’isolation des molécules actives. Les tests d’activités biologiques ont été réalisés en Europe par les partenaires de TASCMAR. L’équipe réunionnaise s’emploie désormais à identifier les molécules pures correspondant aux objectifs de la recherche. « Nous en avons déjà identifié une trentaine, poursuit Anne Bialecki. Elles seront évaluées très prochainement par nos partenaires. Une autre possibilité d’accéder aux molécules « anti-âge » a été explorée : la voie microbienne. Les éponges se nourrissent en effet par filtration de l’eau environnante et sont les hôtes d’une importante diversité de micro-organismes. Il est reconnu aujourd’hui que ces micro-organismes associés peuvent être source de molécules médicaments. Notre laboratoire travaille à leur isolement, leur multiplication et l’identification des molécules qu’ils produisent, l’objectif, à terme, étant également la culture de ces micro-organismes. Le projet TASCMAR se clôture fin 2019, nous poursuivrons notre travail au-delà pour mener les recherches à leur terme. ».
Après TASCMAR, l’avenir reste à écrire. De la Méditerranée à l’océan Indien, en passant par la mer Rouge et les eaux asiatiques, la mer livre progressivement ses secrets. Des médicaments et des produits cosmétiques de demain comporteront peut-être des molécules découvertes dans des éponges de Mayotte et de Rodrigues !
*Tools And Strategies to access to original bioactive compounds from Cultivation of MARine invertebrates and associated symbionts
Contact :
Anne Bialecki, professeur et directrice
Equipe d'accueil LCSNSA - Laboratoire de Chimie des Substances Naturelles et des Sciences des Aliments
Projet TASCMAR
Autour d’Anne Bialecki : Mireille Fouillaud, Patricia Clerc, Jean-Bernard Boyer, Charifat Saïd Hassan, Pierre-Eric Campos, Flavia Bollaro, Juan-Manuel Mora-Rey et Lynda Saminadin.
L’équipe
Anne Bialecki (professeur), responsable du projet, Laurent Dufossé (professeur), Mireille Fouillaud (maître de conférences), Patricia Clerc (ingénieur d’étude), Jean-Bernard Boyer (technicien), Florent Tintillier (technicien), Charifat Saïd Hassan (doctorante), Pierre-Eric Campos (post-doctorant), Juan-Manuel Mora-Rey (ingénieur projets), Lynda Saminadin (gestionnaire) et 4 stagiaires M2.
Les partenaires
5 institutions académiques :
- Institut de Chimie des Substances Naturelles, CNRS (France)
- Université d’Athènes (Grèce)
- Université de Tel Aviv (Israël)
- Université de (Thaïlande)
- Université de La Réunion (France)
6 partenaires industriels :
- CRELUX GmbH (Allemagne)
- BiCT srl srl(Italie)
- Pierre Guérin Technologies (France)
- iMare Natural (Espagne)
- ASTAREAL AB (Suède)
- APITIVA (Grèce)
1 cabinet de conseil :
- T6 T6 Ecosystems srl(Italie)
1 ONG :
- EcoOcean (Israël)
Un financement européen
Le projet TASCMAR a été financé dans le cadre du programme opérationnel Feder 2007-2013, par l’Union européenne (programme Horizon 2020 pour la recherche et l’innovation) et la Région Réunion, à hauteur de 6,7 millions d’euros. 400 000 euros ont été alloués au Laboratoire de Chimie des Substances Naturelles et des Sciences des Aliments de l’université de La Réunion.