Histoire de chercheur

Lyon - La Réunion : les péripéties d'une doctorante

Lyon - La Réunion : les péripéties d'une doctorante

faire de la recherche sur une thématique infectieuse qui touche mon île est une grande fierté

Je m’appelle Eva Ogire et je prépare actuellement une thèse en sciences biologiques à l’école doctorale Sciences, technologies, santé à l’université de La Réunion. Mes recherches sur la biologie du virus de la dengue sont menées au sein de l’unité mixte de recherche PIMIT[1](Processus Infectieux en Milieu Tropical Insulaire) dirigée par le Dr Patrick Mavingui et plus précisément dans l’équipe MOCA (Mécanismes Moléculaires et Cellulaires des Agents biologiques infectieux) sous la responsabilité du Pr Philippe Desprès.

J’ai toujours porté un vif intérêt aux sciences expérimentales, et c’est au cours de mes années d’études en BTS Analyses en Biologie Médicale au Tampon que j’ai découvert l’univers des agents pathogènes et notamment les virus. Agents microscopiques, les virus sont fascinants par leur capacité à provoquer des pathologies humaines graves et même à causer la mort comme on le voit actuellement avec la pandémie de Covid-19. J’ai manifesté rapidement le désir d’étudier les mécanismes d’action des virus avec l’objectif de participer à la lutte contre les infections virales importantes en santé publique dont celles retrouvées dans l’océan Indien. J’ai donc décidé de poursuivre mes études à l’université de La Réunion par une licence de biochimie puis un master en biologie santé.

Pendant ma première année de master, j’ai effectué un premier stage en laboratoire où j’ai rencontré l’enseignante-chercheuse Marjolaine Roche qui m’a fortement soutenue dans mon projet d’intégrer le monde de la recherche dans le domaine des maladies infectieuses à l’UMR PIMIT. J’ai ainsi choisi de commencer une spécialisation en virologie en deuxième année sous la responsabilité du Dr Roche avec un intérêt tout particulier pour les virus transmis par les moustiques qui composent l’une des problématiques sanitaires majeures de la zone océan Indien.

Grâce à un financement de la Région Réunion, j’ai pu commencer en 2018 un doctorat en virologie sous la responsabilité du Dr Roche avec les soutiens du Pr. Desprès et du Dr Lotteau (directeurs de recherche à l’INSERM) qui assurent le rôle de co-encadrants. Mon sujet de thèse porte sur l’étude de la protéine virale NS1 du virus de la dengue présent à La Réunion. Cette protéine présente la particularité d'être sécrétée par les cellules infectées, elle est retrouvée dans le sang et contribue au développement de la maladie. Depuis 2018 notre île connaît une épidémie de dengue qui ne cesse malheureusement de s’intensifier années après années. Pouvoir, en tant que réunionnaise, faire de la recherche sur une thématique infectieuse qui touche l'île où je suis née et ai grandi, est une grande fierté et une façon d’apporter ma contribution pour une amélioration de la santé du territoire.

Pour la réalisation de ma thèse, je séjourne depuis 6 mois à Lyon dans le cadre d’une collaboration avec le laboratoire dirigé par mon co-encadrant, Vincent Lotteau, au Centre International de Recherche en Infectiologie (CIRI). Cette expérience est une véritable opportunité tant d’un point de vue professionnel que personnel pour moi qui n’avais jamais quitté mon île natale. Premier voyage en avion, premier trajet en métro… Ce fut une totale découverte ! Nouvel environnement, nouveaux collègues, nouvelles méthodes de travail, cela m’a conduit à un enrichissement scientifique et une ouverture sur la recherche en infectiologie. La collaboration avec l’équipe dirigée par le Dr Lotteau m’a permis d’acquérir de nouvelles compétences dans le domaine des interactions entre la protéine NS1 du virus de la dengue et le foie qui est un organe fortement touché par l’infection virale. Mon stage dans ce laboratoire a été aussi une opportunité de renforcer les liens entre deux équipes de recherche - à Lyon et à La Réunion - et d’envisager de nouveaux projets communs. 

Comme pour chacun d’entre nous concernés par la pandémie de Covid-19, des règles de sécurité sanitaire et de confinement strictes ont été mises en place au CIRI et mon stage a dû s’interrompre brutalement à la mi-mars. J’ai pris la décision de rester sur place. Le choix de rester éloignée de ma famille pendant la période de confinement a été difficile à faire et mon isolement a été dur à vivre au quotidien. Cependant, je suis restée en contact permanent avec ma famille ainsi qu’avec mes collègues des équipes à Lyon et à La Réunion, grâce aux réunions hebdomadaires par visioconférence, ce qui m’a aidée à surmonter les difficultés. Cela m’a incitée à rédiger mes notes de travail et à préparer mon retour au CIRI, qui fut effectif le 11 mai avec la reprise de mes travaux de recherche qui avaient été interrompus du jour au lendemain. 

Il est prévu que je revienne à La Réunion dans les toutes prochaines semaines, enrichie personnellement d’une expérience professionnelle autant qu’humaine après avoir passé plus de huit mois dans une cité que je ne connaissais pas et éloignée de mes proches. A mon retour, je vais poursuivre mes travaux de thèse sur le virus de la dengue à l’UMR PIMIT en y apportant mon nouveau savoir-faire acquis à Lyon et enrichie de connaissances qui vont s’avérer très profitables pour la finalisation de ma thèse en sciences.

 


[1]Unité mixte de recherche sous la tutelle de l’INSERM, du CHU de la Réunion, de l’IRD et de l’Université de La Réunion.