Edito

Pourquoi un numéro spécial sur la COVID 19 ?

Pourquoi un numéro spécial sur la COVID 19 ?

Selon l’anthropologue Frédérik Keck, directeur de recherche au CNRS et directeur du Laboratoire d'anthropologie sociale, la crise pandémique que nous traversons est « une occasion à saisir pour changer notre mode de vie ». Développant son analyse dans un article publié dans Le Monde au début de la crise en France (27 mars 2020), il dresse le constat que « les alertes au changement climatique ont été peu entendues, alors qu’une alerte sanitaire oblige les gouvernements à des décisions rapides pour éviter des morts en urgence. Le confinement, mesure inédite pour gérer une crise sanitaire, produit un mélange d’accélération des signes du changement écologique et de ralentissement de l’activité économique qui est propice à la réflexion fondamentale sur notre mode de développement. On ne pourra pas revenir au business as usual après cette crise ».

À l’échelle particulière de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (ESRI) en France, beaucoup considèrent que le même constat peut être dressé et les mêmes conclusions tirées. Les alertes sur l’accompagnement insuffisant du champ ESRI ont été trop peu entendues depuis une dizaine d’années et la crise que nous traversons a eu sans doute une conséquence positive puisque « les moyens avancés dans le projet de Loi Pluriannuelle de Programmation de la Recherche (LPPR) sont les premiers annoncés après la crise du Covid-19, avant même le plan pour l’hôpital ou pour l’éducation » pour reprendre les mots de Philippe MAUGUIN, PDG d’Inrae, l’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. Au final, il est fort probable que l’écosystème ESRI ne puisse pas revenir à son état initial après cette crise et il faut sans doute s’en féliciter.

À l’échelle plus modeste de notre Université, force est de constater que la crise que nous avons traversé a profondément modifié nos modes de fonctionnement alors même que -dans notre grande maison comme dans l’ensemble des organisations de l’ESRI, « personne n’était véritablement prêt car la situation était exceptionnelle et imprévisible » comme le rappelle utilement Rémy Challe, directeur général d’EdTech France.

Et pourtant...

Et pourtant cette crise sanitaire n’a pas stoppé le fonctionnement de notre Université grâce aux énergies déployées par des personnels dévoués corps et âmes à l’exercice de leurs missions dans les laboratoires, directions, services comme dans les composantes. Grâce à eux, le lien avec nos étudiants n’a pas été interrompu et les activités de recherche et leur valorisation n’ont pas été stoppées. L’occasion nous est donnée ici de les en remercier très chaleureusement.

Et pourtant cette crise sanitaire a accéléré le processus de transformation de notre institution et a donné naissance à des innovations qui vont perdurer. On pense évidemment à la digitalisation accélérée dans le champ de la formation au moment où la ministre de l’ESRI formule le souhait que les universités françaises profitent de cette crise pour "franchir un pas supplémentaire" sur l'enseignement "hybride" avec de plus en plus de cours magistraux en ligne mais sans renoncer aux "interactions avec les enseignants". Cette transformation appelant des moyens supplémentaires, notre établissement a su nouer des partenariats avec les collectivités et Orange pour déployer un plan d’équipement informatique sans précédent au bénéfice de nos étudiants pour limiter la fracture numérique. Et il ira chercher des moyens supplémentaires à l’occasion de son dialogue stratégique et de gestion avec la tutelle pour entrer de plein pied dans l’enseignement hybride dès la rentrée prochaine. On pense également à notre fonctionnement institutionnel qui a basculé en distanciel dès le premier jour du confinement avec de multiples réunions puis, très vite, avec le déroulement de l’ensemble de nos instances qui ont connu des taux de participation record et ont permis à nos collègues du sud et des autres campus délocalisés de faire l’économie de trajets épuisants et chronophages ... On pense enfin à l’extension du télétravail pour lequel notre établissement s’était déjà largement préparé en établissant puis en révisant sa charte dédiée à cette modalité de travail.

Et pourtant, enfin, cette crise sanitaire aura été l’occasion pour notre université d’affirmer son dynamisme et sa réactivité pour relever de nouveaux défis. Défis sanitaires en premier lieu grâce à nos unités de recherche qui se sont mobilisées très tôt en partenariat avec le CIRAD et le CHU au sein d’une Task force Covid19 pour aider au dépistage. Défi scientifique ensuite puisque les mêmes ont répondu à l’ANR Flash Covid19 et déposent plusieurs projets de recherche à l’appel à projets de la Région Réunion sur le même thème. Défi dans le champ de la valorisation de la recherche puisque des projets sont dès à présent soutenus par la Société d'Accélération du Transfert de Technologies (SATT) et des dépôts de brevets sont envisagés.

Défi dans le champ de la médiation scientifique enfin puisque nos collègues ont su produire en un temps record ce numéro spécial Covid19 pour vous informer en temps réel des belles réussites de notre belle université : nous vous souhaitons donc une excellente lecture !

 

Pr. Gilles LAJOIE, Président du Conseil Académique
Pr. Frédéric MIRANVILLE, Président de l’Université