Une journée au labo

Une nuit à l'observatoire du Maïdo

Une nuit à l'observatoire du Maïdo

Le 12 mars 2020, une équipe du LACy (Laboratoire de l’Atmosphère et des Cyclones) et de l’OSU-Réunion (Observatoire des Sciences de l’Univers de La Réunion) dirigée par Stéphanie Evan s’est rendue à l’observatoire de l'atmosphère du Maïdo pour lancer un ballon sonde. Le but était d’étudier la composition chimique (vapeur d’eau, ozone) de nuages issus d’une dépression tropicale qui deviendra quelques jours plus tard le cyclone tropical Herold.

L’équipe, nombreuse cette nuit-là, a les yeux rivés sur les silhouettes de Stéphanie Evan, Jérôme Brioude, Françoise Posny, Jean-Marc Metzger et Jean-Pierre Cammas, qui se dessinent dans l’obscurité. Ils tiennent dans leurs mains un attelage de sondes, attaché à un ballon qui ne demande qu'à s’envoler. Même si l’équipe du LACy/OSU-R est habituée, elle reste prudente dans la manipulation, tous espèrent un lâcher réussi.

Il s’envole ! La montée est rapide, le ballon se dirige vers le bâtiment de l’observatoire, la surprise se fait entendre quand le ballon est soudainement éclairé par le laser vert de l’observatoire, transperçant la nuit du Maïdo. À partir de maintenant, on repère l’instrument seulement au son du dérouleur qui allonge le fil entre le ballon et la sonde.

Contrairement à Météo France, qui procède à des lancers quotidiens de radiosondage qui fournissent des données de température, d’humidité et de vent pour alimenter son modèle de prévision, les lâchers du LACy sont plus rares. « Les sondages CONCIRTO que nous réalisons sont des sondages très particuliers », précise Stéphanie Evan. « L’attelage sous ballon est constitué de quatre sondes : la première mesure la concentration d’ozone, la deuxième mesure la présence de particules de glace, caractéristiques de nuages de type cirrus. La troisième sonde quant à elle, mesure la concentration de vapeur d’eau. Et enfin la quatrième sonde mesure la température, l’humidité et le vent. Cette dernière sonde transmet par signal radio les données de l’ensemble des sondes vers un récepteur au sol. La concentration de vapeur varie d’un facteur 10 000 entre la surface terrestre et la stratosphère (environ 19km d'altitude aux tropiques), il est donc nécessaire d’avoir un capteur de très grande précision », ajoute la responsable scientifique de ANR CONCIRTO.

L’ANR CONCIRTO (Influence de la convection et des cirrus sur la haute-troposphère / basse-stratosphère au-dessus de l’océan Indien) est un projet visant à étudier l’impact de la convection profonde (formant des nuages responsables de phénomènes météorologiques violents comme des orages) et des nuages cirrus (nuages fins présents dans la troposphère supérieure) sur le bilan de la vapeur d’eau dans la zone entre la haute troposphère et la basse stratosphère dans la zone tropicale, soit entre 14 et 20 km d’altitude au-dessus de l'île.

Cette région s’appelle la tropopause tropicale, c’est le sujet d’étude de l’ANR CONCIRTO et aussi la cible de la sonde de ce soir.

Pourquoi un lâcher à cette date précise ?

« On a fixé cette date parce qu’il y avait une zone convective qui se formait au nord de Madagascar (NDLR : qui est devenu ensuite le cyclone Herold, le 15 mars, quelques jours après le lâcher). Nous planifions ces lâchers en utilisant un outil de prévision numérique développé au LACy. »

Une particularité de la station du Maïdo est ses lidars (light detection and ranging), des instruments dont le laser pointé à la verticale vers le ciel permet de mesurer la quantité des particules et des molécules de l’atmosphère, le long de la ligne de visée. L’un des lidars de l’observatoire du Maïdo mesure la concentration de vapeur d’eau dans l’atmosphère.

« On essaie de lancer ce type de ballon en coordination avec les lidars pour avoir plusieurs informations sur la vapeur d’eau/ozone avec les sondes et les lidars. »

Les lidars de la station du Maïdo permettent de mesurer l’ozone et la vapeur d’eau sur une très grande distance mais sur une zone ponctuelle. Le ballon, quant à lui se déplace au gré des vents atmosphériques et peut couvrir une plus grande surface de mesure.

« Les lâchers ne se font pas au hasard, pour limiter les pertes et le gaspillage de matériel et la pollution. C’était le 27e lâcher de ce genre et ils ont tous été fait avec un objectif très précis et associés à des phénomènes météorologiques »

Quelques minutes après le lâcher, l’attelage des sondes n’est plus en vue, mais les sondes envoient des signaux. On suit leur altitude et leur position en direct sur l'écran de l’ordinateur recevant le signal en direct, elles se dirigent vers l’est et ont presque atteint l’altitude de 1000 m.

Il est maintenant 23 h, l’observatoire se vide, seuls quelques scientifiques restent dont Stéphanie et une partie de son équipe qui veilleront aux mesures des sondes et aux lidars qui fonctionneront jusqu’à la fin de la nuit.


Contact :
Stéphanie Evan
Laboratoire de l'atmosphère et des cyclones (LACy)
 

L'observatoire

L’observatoire atmosphérique de La Réunion est une station scientifique inaugurée en 2012, à 2200 m d'altitude sur les pentes du Maïdo, à l'ouest de l'île. La construction, débutée en 2007, a été financée par la Région Réunion, l'État et l'Union européenne. Aujourd’hui l'observatoire est géré par l’OSU-R (CNRS / université de La Réunion) et accueille plusieurs instruments, français et étrangers, dédiés à l'étude de l'atmosphère. 

La maintenance des instruments est assurée par une douzaine d'ingénieurs et de techniciens.

Il est l’un des rares observatoires dans la bande tropicale, ce qui en fait un lieu de recherche unique, labellisé dans plusieurs réseaux pour garantir la fiabilité des mesures.

En 2015, les outils de l'observatoire ont été labellisés par la NASA pour que celui-ci puisse rejoindre les 70 stations du réseau NDACC, réseau international pour la détection des changements atmosphériques.

Ce documentaire retrace cette campagne de labellisation.