Histoire de chercheur

L'expérience de la recherche comme voyage

L'expérience de la recherche comme voyage

Depuis le premier jour de ma vie professionnelle, deux mots résonnent en moi : engagement et innovation.

Liliane Pelletier

Professeure des universités depuis le 1er septembre de cette année, c’est avec beaucoup de plaisir et d’émotions que je vous propose avec cette « carte blanche » de retracer à grands traits mon parcours d’enseignant-chercheur, qualifié d’inspirant par certains de mes collègues de l’Institut supérieur du professorat et de l’éducation (INSPE). Je les salue ici pour m’avoir eux-mêmes inspiré grâce à la richesse de nos interactions. 

Lorsque j’intègre l’université de La Réunion en 2012, mon métier est celui de professeure des écoles et je suis également diplômée d’un doctorat en sciences de l’éducation. À cette période, je viens de quitter le navire de l’avenue Brassens après y avoir été pendant quatre années, chargée de mission Prévention de l’illettrisme auprès du Recteur et coordinatrice des centres académiques de lecture-écriture de La Réunion. 

Inspirée tour à tour par des chercheuses et chercheurs de renom comme Martine Abdallah-Pretceille, Jacqueline Billiez, Erving Goffman, Françoise Héritier, Axel Honneth, Yves Lenoir, Margaret Mead, Edgar Morin (pour n’en citer que quelques-uns), je suis titularisée en qualité de maîtresse de conférences à l’université de La Réunion en 2014. 

Mes travaux de recherche s’inscrivent dans le champ des sciences de l’éducation et de la formation, intéressée principalement par la relation à autrui et le rapport que les personnes entretiennent avec leur.s langue.s maternelle.s. Depuis le premier jour de ma vie professionnelle, deux mots résonnent en moi : engagement et innovation.

Je me qualifie aisément de chercheuse-voyageuse, considérant le contexte, non pas comme simple contenant au sein duquel des sujets interagissent, mais davantage comme principe actif et ceci, à tous les niveaux de la mosaïque sociale (structures de la petite enfance, éducation familiale et scolaire, lieux de formation et lieux professionnels, entreprises, espaces de soin, d’habitat, de sports, de loisirs, etc.). Même si j’accorde une place particulière à l’école, la perspective systémique dans laquelle je me situe m’invite à penser large. 

La recherche a toujours été selon moi, travail collectif, guidée par l’idée d’Émile Durkheim, de s’appuyer sur les sciences pour réformer la société. Avec cette tierce voie, le rapport entre science et société se modifie insensiblement, avec une position assumée de chercheure comme un acteur social à part entière. Un autre qualificatif pourrait alors être celui de chercheuse-citoyenne en sciences de l’éducation. 

C’est la raison pour laquelle la note de synthèse que j’ai soutenue en janvier 2021 dans le cadre de l’Habilitation à diriger des recherches (HDR) est une contribution à la problématique de l’inclusion conçue comme une question vive en éducation dès lors que les situations observées depuis plusieurs années me paraissent encore bien loin d’une perspective inclusive supposée entretenir des liens indéfectibles entre tous les morceaux de la mosaïque sociale. 

Pour mettre à distance cette question socialement vive, je me suis inscrite dans une approche socio-anthropologique au fil de laquelle sont analysés, en écho, les comportements observés en situation scolaire et la manière dont les acteurs donnent sens à leur vie professionnelle, au quotidien, dans les conditions proposées par le législateur. En adoptant une épistémologie de la recherche AVEC, mes travaux se situent dans et hors les murs de l’école, naviguant entre la petite enfance et l’insertion professionnelle. 

J’illustrerai cette épistémologie par un projet situé loin de l’école qui questionne la notion d’entreprise inclusive. Ce projet inscrit dans un programme plus vaste sous l’acronyme RCEI, concerne l’accessibilité au travail ordinaire pour des personnes en situation de handicap. Le caractère innovant de cette recherche est de prendre le contrepied de la logique individuelle d’accompagnement de la personne et de préparer l’écosystème professionnel à devenir inclusif dans sa double dimension matérielle et sociale pour accueillir le travailleur en situation de handicap. Nous travaillons ainsi depuis plusieurs mois, avec une équipe pluri-catégorielle comprenant chercheurs, dirigeants, référents handicap, employés, personnes en situation de handicap, etc. Deux entreprises participent à l’aventure : Carrefour Saint-Pierre et du groupe Locate. 

En bref, j’aime coordonner des recherches collaboratives (sous le format de recherche-intervention) qui accordent du crédit à la parole des usagers, qui permettent de les reconnaître, de leur donner symboliquement une place et de les engager dans la démarche inclusive globale en tant que partenaires. 

Je finirai cette « carte blanche » par les mots du philosophe Edgar Morin qui illustrent mon histoire de chercheure : « La science est et demeure une aventure, ni absolu, ni éternel » (1990, p. 26).


Contact :

Liliane Pelletier : Professeure en science de l'éducation et de la formation

Laboratoire Education Cultures Politiques (Université de Lyon 2)

Chercheure associée au laboratoire lcare (Université de La Réunion)

Directrice adjointe du laboratoire Icare jusqu'au 31 août 2021